Le XVIIIe siècle, le siècle des Lumières, évoque explicitement par son nom une époque animée sur le plan intellectuel. Le fondement de nos sociétés occidentales est directement issu des théories et des principes promus par les Lumières. Il n’y a qu’à observer les textes constitutionnels américains pour voir à quel point la philosophie de Locke les a influencés pour ne pas dire qu’elle a été calquée.
Pour Locke, le système politique qui se doit d’être est justifié par l’essence même de l’Homme. L’individu aurait naturellement des droits et des libertés qu’une société se doit de respecter pour être légitime et cohérente avec la nature de ses sujets.
C’est, à cet effet, une autre caractéristique des théories issues de cette époque : la présence d’une réflexion sur la nature humaine.
Comme pour Locke, Rousseau dans Principes du droit de la guerre appuie sa philosophie en tenant compte d’une certaine nature humaine. Dans cet extrait issu de ce même texte, on y remarque cette réflexion rapportant la nature humaine, sur base individuelle, qui est liée à un domaine comme celui de la politique, un domaine de conquête du pouvoir.
Bien que le texte ait comme sujet le droit de la guerre, l’extrait est avant tout intéressant pour sa réflexion sur le bien-être humain et c’est pourquoi je l’avais gardé en banque. En fait, toute cette introduction académique et historique n’est pas l’intérêt de cette publication. C’est plutôt l’idée de voir les sentiments humains, le bien-être, comme étant une « gradation naturelle » que je trouve particulièrement intéressante et très juste. Et ce, trouvé dans un texte traitant du droit de la guerre.
D’une certaine action ou d’un certain gain quelqu’un peut y retirer un grand plaisir alors qu’un autre une complète indifférence. Une fois le luxe connu et vécu, on ne peut qu’aspirer à plus. Perdre cet état jadis connu, par exemple financièrement, ne serait-ce qu’une perte de 20 000$ de revenus annuels sur un revenu initial de 100 000$, est quelque chose qui bouleverse le confort à en affecter le bien-être alors que cela reste un revenu supérieur à la moyenne.
Mais la moyenne n’a rien à avoir dans le bien-être, c’est une question de gradation.
« Je l’ai déjà dit et ne puis trop le répéter : l’erreur de Hobbes et des philosophes est de confondre l’homme naturel avec les hommes qu’ils ont sous les yeux et de transporter dans un système un être qui ne peut subsister que dans un autre.
L’homme veut son bien être et tout ce qui peut y contribuer cela est incontestable. Mais naturellement le bien être de l’homme se borne au nécessaire physique : car quand il a l’âme saine et que son corps ne souffre pas, que lui manque-t-il pour être heureux selon sa constitution?
Celui qui n’a rien désire peu de chose, celui qui ne commande à personne a peu d’ambition. Mais le superflu éveille la convoitise : plus on obtient plus on désire. Celui qui a beaucoup veut tout avoir, et la folie de la monarchie universelle n’a jamais tourmenté que le cœur d’un grand roi. Voilà la marche de la nature ; voilà le développement des passions.
Un philosophe superficiel observe des âmes cent fois repétries et fermentées dans le levain de la société et croit avoir observé l’homme. Mais pour bien le connaitre, il faut savoir démêler la gradation naturelle de ses sentiments et ce n’est point chez les habitants d’une grande ville qu’il faut chercher le premier trait de la nature dans l’empreinte du cœur humain. »
philippe