Québec, Industrielle du Nouveau Monde

En 1760, sur les 8000 habitants qui habitent la ville de Québec, seulement 118 d’entre eux résident dans le quartier St-Roch. Les constructions s’étalent le long de la rue Saint-Vallier qui n’est qu’un petit chemin sinueux à l’époque. L’ingénieur Chaussegros de Léry constate qu’il y a trop de gens résidant à l’intérieur des fondations de la ville; ce dernier imagine donc les plans d’un quartier en Basse-Ville dont les alignements dessinent un damier, toujours visible aujourd’hui. Il faut toutefois attendre le début du 19e siècle pour voir le quartier prendre de l’ampleur avec l’arrivée de multiples ouvriers en raison de la reprise de l’industrie navale et du bois québécois. À dire vrai, en 1808, les chantiers navals produisent seulement 8 navires annuellement comparé à 75 en 1864, signe de la prospérité tangible de l’industrie. À cette époque, la moitié du faubourg revitalisé, qui compte maintenant 10 760 habitants, vit désormais de ce commerce.

La croissance massive et rapide de St-Roch apporte également son lot de désastres; une épidémie de choléra tue le cinquième de sa population en 1832, alors qu’un gigantesque incendie décime le quartier en 1845. En effet, 1600 habitations et 3000 magasins brûlent; on dénombre 1200 sans-abris et 50 décès. Les autorités profitent du vide créé par les flammes pour donner à la rue Saint-Joseph sa vocation d’artère principale puisqu’elle traverse St-Roch sur toute sa longueur. Pour empêcher un tel désastre de se reproduire, la réglementation force maintenant les habitants à construire avec des matériaux incombustibles, telles la brique et la taule.

Toutefois, en raison de l’apparition du fer dans les navires et de l’arrivée des bateaux à vapeurs autour de 1870, l’industrie de la navigation à voile disparaît lentement aux dépends de la ville de Québec et de ses travailleurs.

C’est dans le secteur manufacturier que se réoriente l’industrie du quartier ouvrier au tournant du XXe siècle, et ce de façon spectaculaire. Les usines s’implantant directement dans St-Roch puisque c’est également le lieu des résidences des ouvriers; le quartier devient peu à peu le centre de la ville. C’est la production de la potasse, les tanneries, les distilleries et les brasseries qui sont réellement au cœur de cet essor industriel qui est possible grâce à l’abondance de main-d’œuvre qui se retrouve au chômage en raison du déclin de la production navale.

C’est l’industrie de la fabrication de chaussure qui est la première à s’implanter avec l’apparition de techniques et de concepts modernes en provenance des États-Unis dont la mécanisation du travail et la séparation des tâches. Cela entraîne également un regain de l’industrie du cuir, qui était d’ailleurs palpable dès la Nouvelle-France sur la rue St-Vallier, ainsi que l’apparition de plusieurs tanneries; on en compte 43 en 1873. De plus en plus de manufactures ouvrent leurs portes en raison des nouveaux arrivants quittant la campagne pour venir s’installer en ville. En ce sens, les quartiers St-Roch et St-Sauveur constitue 58% de la population de la ville.

En raison de la densité de la population du secteur, le tramway arrive sur l’avenue St-Joseph dès 1865. Les commerçants voient en cette évolution une façon d’engendrer des profits; plusieurs commerces ouvrent leurs portes autour du parcours du nouveau moyen de transport. La rue Saint-Joseph devient la plus grande avenue de la ville et le centre de cette dernière avec ses 126 boutiques et magasins en 1900. On crée le boulevard Charest 20 ans plus tard en raison de l’apparition et la démocratisation de l’automobile qui nécessite de plus larges voies pour décongestionner le centre-ville.

Cette prospérité perdure jusque dans les années 1940. En effet, après la Deuxième Guerre Mondiale, plusieurs résidents décident de d’emménager dans les nouvelles banlieues à l’américaine, les industries quittent pour des espaces plus vagues et aménagés à leurs fins alors que les commerces peinent à concurrencer les grands centres commerciaux faisant leur apparition à Sainte-Foy.

L’économie du quartier est sérieusement érodée à partir des années 1960 et tombe dans l’oubli et la déchéance. Après l’échec du Mail St-Roch, il faut attendre les années 1990 et l’arrivée au pouvoir du maire Jean-Paul L’Allier pour voir la renaissance du faubourg qui s’axe autour d’une vaste opération de revitalisation. La construction du complexe Méduse par l’architecte Émile Gilbert permet aux arts de se développer et de se diffuser grâce à de nombreux organismes artistiques. On décide également de fonder les Jardins St-Roch tout près. Plusieurs institutions universitaires décident également de s’implanter sur les lieux au début des années 2000, attirant ainsi plusieurs étudiants dans le quartier.

Toutefois, la réelle renaissance de St-Roch s’explique réellement par la métamorphose de ses habitations. En effet, les multiples entrepôts, usines et les manufactures désaffectées se transforment en coopérative d’habitation, galeries d’arts, restaurants, boutiques et condominiums, donnant ainsi un cachet moderne et unique au quartier.


Sources :

Saint-Roch, un quartier en constante mutation, Ville de Québec, 1987

Faubourg Saint-Roch de Québec, Fondation St-Roch de Québec.

Laisser un commentaire

Entrer les renseignements ci-dessous ou cliquer sur une icône pour ouvrir une session :

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s