La Guerre russo-japonaise
Les causes de la guerre russo-japonaise de 1904 à 1905
En 1905 se produit un événement qui amène les mentalités des grands dirigeants du monde entier à basculer complètement; c’est la surprise totale dans les médias occidentaux, le choc. En effet, 1905 souligne l’année de la flamboyante victoire des Japonais contre les armées russes lors de la Guerre russo-japonaise de 1904-1905. On assiste à la première victoire d’un peuple non européen sur un peuple blanc. En plus des importantes retombées économiques et politiques, le Japon sort de cette guerre avec le prestige d’une puissance à part entière; une puissance comparable à celle des Occidentaux. La Grande-Bretagne devient même l’allié du Japon. Pour ce pays, qui, quelques années auparavant, avait subi sur son territoire des juridictions étrangères attribuables à des traités inégaux, c’est une promotion éclatante de se retrouver soudainement allié à la plus puissante nation de cette époque[1]. Quant au reste de l’Asie, cette victoire a été un stimulant du sentiment panasiatique. Le Japon s’empare alors de la place de la Chine en tant que leader de l’Asie. C’est ainsi qu’en 1915, on compte 50 000 étudiants chinois dans l’archipel[2]. Du côté russe, cette défaite enclenche une série de bouleversements qui prendront la forme des révolutions de 1905 et ultimement de 1917[3].
On constate donc les énormes conséquences de la Guerre russo-japonaise de 1904-1905. Conséquemment, ce texte se pose la question suivante : quelles sont les causes de la Guerre russo-japonaise de 1904 à 1905?
Trois étapes principales menant à ce conflit historique seront ici soulignées : l’impérialisme russe qui s’inscrit dans une très forte tradition de colonialisme européen au XIXe siècle, la restauration de Meiji de 1868 qui propulse le Japon en tant que pays capitaliste assoiffé de capitaux et de nouveaux marchés tout en entrainant la montée du militarisme japonais, et, finalement, la Guerre sino-japonaise de 1894-1895 qui est un véritable prélude à celle de 1904-1905 et qui trouve son origine en Corée avec la mutinerie de 1882.
Impérialisme et expansionnisme
Le premier aspect abordé par cette étude est la volonté d’expansion de l’Empire russe. Celle-ci est stimulée par la montée en puissance du courant idéologique colonialiste en Europe. C’est le point de départ du conflit ici analysé.
La tradition européenne
Au XIXe siècle, l’Europe est caractérisée par des traits spécifiques qui font d’elle le centre du monde, et ce à tout point de vue. Effectivement, c’est dans le continent européen que surgissent les grandes révolutions, les naissances de courants d’idées, les transformations économiques et techniques, ainsi que les nouvelles expériences politiques. De ce fait, ce qui se passe en Europe retentit dans le monde entier. L’Europe étend ainsi son action et son influence à tous les pays et à toutes les populations[4].
Pourtant, si l’on se transporte après le congrès de Vienne de 1815, seule l’Angleterre demeure une puissance coloniale parmi les pays de l’Europe. La première vague de colonisation semble essoufflée. Comme l’historien René Rémond dit : « Un facteur joue contre l’expansion coloniale et semble même devoir ajourner indéfiniment le moment où elle pourrait reprendre : l’état d’esprit de l’opinion européenne qui croit que le temps de la conquête coloniale est révolu[5]. » Or, le mouvement va renaitre en force, et ce en partie grâce au pontificat de Grégoire XVI (1832-1846) qui galvanise l’expansion missionnaire[6]. Au facteur religieux, viennent s’ajouter les motifs politiques et psychologiques qui ne cessent de favoriser l’augmentation du nombre d’adhérents aux idéaux coloniaux. Le système prend tant d’ampleur qu’à la fin du XIXe siècle la multiplication des pays compétiteurs, la raréfaction des bonnes terres disponibles et la mobilisation passionnelle des opinions publiques entrainent une rivalité accrue entre les puissances colonisatrices[7]. La Russie n’échappe évidemment pas à cette fulgurante compétition.
Les Russes et l’Asie
Voulant eux aussi leur part du gâteau impérialiste, les Russes choisissent d’étendre leur territoire national vers l’Est, traversant ainsi la Sibérie jusqu’à l’océan pacifique. Cette expansion s’appuie sur des motivations politiques et commerciales. D’ailleurs, plusieurs intellectuels du XIXe siècle, dont Dostoïevski, voient le potentiel de l’Asie comme une source de renouvellement pour l’Empire russe. D’autres, comme le prince Esper Ukhtomsky, proche confident du tsar Nicolas II, affirment même que la Russie n’a pas à se soucier des frontières en Asie, qu’elle peut se l’approprier à sa guise. Parallèlement, la Société géographique impériale de Russie est fondée en 1845 et a pour mission d’amasser des informations scientifiques utiles à l’agrandissement du territoire vers l’Orient. En outre, la région de l’Amour est annexée en 1860. On y construit le port de Vladivostok en 1871. L’établissement d’une base navale dans le Pacifique et l’occupation de la Mandchourie en 1895, dont il sera fait mention plus loin, viennent aussi accroître la volonté russe de dominer l’entièreté de l’Asie. De plus, le tsarisme, tellement certain de sa prépondérance, ne doute aucunement de son hégémonie dans ces régions orientales. Conséquemment, en 1897, le ministre des Affaires étrangères n’hésite pas à proclamer que pour protéger Port Arthur, il ne faut qu’une sentinelle et un drapeau ; le prestige russe ferait le reste[8].
Le chemin de fer
Pour relier Saint-Pétersbourg à Vladivostok et aux colonies russes environnantes, le tsar et son gouvernement envisagent la construction d’un chemin de fer. Ainsi, le premier rapport de planification ferroviaire à travers la Sibérie est mené en 1887. Quatre ans plus tard, le père de Nicolas II, le tsar Alexandre III, annonce au monde entier le début de la construction de sa voie ferrée[9]. Bien plus qu’un simple moyen de transport, ce train permet à la Russie d’accélérer sa colonisation des terres asiatiques en plus de lui donner l’opportunité d’y déployer facilement et rapidement ses troupes. Le chemin de fer prend également une mission civilisatrice typique du XIXe siècle. En effet, dans le Guide to the Great Siberian Railway publié en 1900, on retrouve affichée fièrement la phrase suivante : « The honour of having planted the flag of Christianity and civilization in Asia is due to Russia[10]. »
Les conséquences de la construction de la voie ferrée se font vite ressentir. Vladivostok passe de 13 000 âmes, dont 7 500 Russes, en 1885 à plus de 28 896 habitants, dont 16 625 Russes, en 1897. La rapidité de l’édification de la route permet et explique cette hausse démographique dans la ville portuaire ainsi que dans toutes les régions avoisinantes. Toutefois, l’entreprise ferroviaire se réalise à hauts couts financiers. Ceci est paradoxal puisque l’économie russe du début de XXe siècle est l’une des plus faibles d’Europe. En vérité, toute cette aventure impérialiste n’est possible que grâce aux capitaux français qui sont largement investis dans l’Empire. De ce fait, le succès économique du chemin de fer est encore plus essentiel aux yeux des responsables russes. Ces derniers essayent donc de le rentabiliser à tout prix, et ce en l’étendant à la Mandchourie dans un premier temps, puis à la Corée quelques années plus tard; deux régions possédant une faible administration, mais regorgeant de ressources naturelles. Un impérialisme agressif se développe ainsi[11].

Il est maintenant possible de constater que l’expansionnisme russe, qui s’inscrit dans une forte tradition coloniale et impérialiste européenne, s’est rapidement propagé vers l’Asie au moyen du chemin de fer. De plus, la nécessité pour le tsar Nicolas II de rentabiliser l’investissement ferroviaire, accompagnée du sentiment de supériorité et de domination que les Russes ressentaient envers les peuples asiatiques, encourage une situation explosive qui n’attend qu’une étincelle pour s’enflammer.
La Restauration de Meiji de 1868
La deuxième partie de cette analyse s’intéresse au Japon et au changement de gouvernement qu’il connait en 1868. En effet, cet événement est un moment décisif dans son histoire. L’historien Ninomiya Hiroyuki dit à ce propos : « La Restauration de Meiji est une rupture radicale[12]. »
La fin du shogunat
De 1603 à 1867, les shoguns de la dynastie Tokugawa sont au pouvoir au Japon. Pourtant, 1868 voit naitre une nouvelle ère, celle de Meiji. À dire vrai, le pays passe d’un shogunat conservateur et traditionnel à un système nouveau et moderne qui se compare dorénavant à celui des puissances européennes. Le processus d’ouverture de l’État sur le reste du monde, enclenché par l’amiral américain Matthew Perry en 1853, force les Nippons à se réformer. De ce fait, le shogunat est aboli et l’empereur, qui n’avait jusqu’ici qu’un rôle symbolique, prend la tête d’une monarchie constitutionnelle. Concrètement, plusieurs réformes capitales prennent place : la centralisation administrative, la création des départements, la formation d’un impôt foncier uniformisé, l’adoption d’une politique expansionniste et la réformation de l’armée par l’adoption de la conscription. À l’évidence, le Japon doit s’adapter pour survivre : « Devant les pressions de grandes puissances occidentales, le nouveau gouvernement Meiji choisit la voie de l’occidentalisation, seul moyen à l’époque, pour un pays asiatique, d’échapper à la colonisation[13]. »
La constitution
Toujours dans sa volonté de s’occidentaliser pour survivre, l’archipel choisit de se doter d’une constitution moderne. En effet, celle-ci donne au Japon la possibilité d’affirmer son indépendance en tant que nation civilisée, garantit la révision des traités inégaux signés avec les puissances de l’Occident et permet au Japon de devenir un membre à part entière de la société internationale. Toutefois, les Nippons vont rejeter le simple mimétisme pour se bâtir une charte qui s’inspire du meilleur de chacun. Ce processus s’intitule l’expérience de l’Occident. Ainsi, de 1871 à 1888, on envoie en observation trois missions de diplomates et d’hommes politiques en Europe et aux États-Unis pour une immersion complète. La constitution qui en résulte est adoptée en 1889 et marque réellement la détermination des Japonais à participer activement à ce nouveau monde qui se présente à eux[14].
La montée du militarisme
Durant la période des Tokugawa, les samouraïs monopolisent l’entièreté du système militaire du Japon. Les paysans ou les marchands ont même l’interdiction de porter une arme. Toutefois, suite à la Restauration de Meiji, une réforme militaire semble être de mise pour concurrencer efficacement les puissances occidentales. Ainsi, en 1871, on supprime les anciens domaines territoriaux et on y réquisitionne des troupes pour l’armée nationale. En 1873, ce sont tous les navires de guerre du Japon qui sont saisis par le gouvernement pour la création d’une marine intérieure moderne. En accord avec ces mesures, Yamagata Ikensho, vice-ministre junior de la Guerre à partir de 1870, soutient avec fermeté que l’armée japonaise ne doit pas se contenter d’assurer la défense intérieure de l’État, mais doit aussi être responsable des relations avec les autres nations. À dire vrai, il souligne l’importance de posséder un système militaire universel, sur le prototype européen, pour contrer les ambitions russes exponentielles. Le 10 janvier 1872, le parlement adopte l’Universal Military Conscription Act qui s’inscrit dans une armée reconstruite sur le modèle prussien[15]. D’autre part, les militaires réussissent à s’approprier une influence et un pouvoir croissants à l’intérieur du nouveau régime : « The military set up a legal and institutional system in which it was free from government control, but allowed to intervene in governmental affairs[16]. » Quant à eux, les samouraïs déchus de leur ancien glorieux statut dans le shogunat trouvent un porte-parole en la personne de Saigô Takamori. Effectivement, celui-ci présente la guerre comme un moyen positif de redonner force et courage à ces guerriers, tout en contribuant au prestige national[17]. Ces phénomènes encouragent résolument la montée en force du militarisme japonais qui rêve désormais de posséder la Corée, une manifestation concrète de son farouche impérialisme[18].
Enrichissement et puissance
Conscient de la faiblesse de son économie, le Japon, entre 1870 et 1880, consent un véritable effort financier pour démarrer la modernisation. C’est le début du capitalisme. En plus de l’établissement des infrastructures portuaires et ferroviaires, les secteurs de l’agriculture, de la métallurgie, du textile, des mines, des arsenaux et de la flotte marchande sont réformés. En outre, on supprime les barrières douanières et les restrictions culturelles et sociales liées à l’emploi dans le but d’encourager l’industrialisation. Dans les campagnes, des travaux d’irrigation et l’utilisation des engrais artificiels stimulent les récoltes. Le résultat est une réussite exceptionnelle; la croissance japonaise est étonnante. En effet, le revenu national passe de 1424 millions de yens courants en 1882 à 3727 millions en 1902. Quant au commerce extérieur, il est multiplié par dix entre 1881 et 1913. En retour, le pays, qui possède d’ailleurs très peu de ressources naturelles, devient rapidement dépendant des marchés internationaux. Cela instaure un sentiment de fragilité chez les marchands et les manufacturiers. Conséquemment, plusieurs d’entre eux voient le système de sphères d’influence en Corée et en Mandchourie – toujours dans la recherche de nouveaux marchés – comme une façon de se protéger de la trop forte concurrence occidentale. Ainsi, l’impérialisme nippon a également des racines économiques[19].
On peut maintenant affirmer que le Japon, sous l’ère Meiji, acquiert une grande puissance en imitant l’Occident qui l’a jadis menacé. Sa nouvelle économie capitaliste grandissante est toutefois fragile. Cela amène donc les Nippons à l’usage des sphères d’influence pour permettre à leurs finances de bien se développer. Ce phénomène, accompagné de celui de la montée du militarisme à l’intérieur du régime, fait en sorte que le Japon devient un État agressivement impérialiste qui positionne la petite Corée – protégée par la Chine à cette époque – dans sa mire.
La Guerre sino-japonaise de 1894 à 1895
Pour la suite du texte, il faut ici comprendre que la Corée se trouve seule face aux ambitions de trois pays : le Japon et la Russie comme mentionnés plus tôt, mais également la Chine qui ne veut pas abandonner son vassal de toujours si aisément. La Guerre sino-japonaise de 1894 provoque finalement l’élimination de la dynastie des Qing de cette intense compétition. Ainsi, la confrontation entre les Russes et les Japonais peut devenir franche et directe.

La Corée et les premiers soubresauts
En réponse à de douteuses manœuvres politiques, la Corée, petit et faible pays, se trouve isolée diplomatiquement face aux convoitises de ses trois voisins. En effet, en 1866, le navire commercial américain General Sherman est incendié à Pyongyang. De même, l’équipage est massacré par la population locale. De plus, le Taewon’gun, le régent en place, exécute plusieurs missionnaires français catholiques dans le cadre d’une politique de persécution chrétienne qu’il instaure en 1866 ; « la Corée, au lieu d’affronter de face les nouveaux défis, se crispe, se referme encore plus sur elle-même[20]. » Profitant de cette situation de retranchement, les Nippons provoquent les Coréens en envoyant des navires militaires dans le port de Pusan. L’escarmouche qui va s’en suivre entre dans l’histoire sous le nom d’incident de Kanghwa. Deux semaines d’affrontements plus tard, le 26 février 1876, le Japon contraint la dynastie coréenne Choson à la signature d’un traité inégal semblable à ceux signés par l’archipel avec les Occidentaux[21].
Toutefois, le 19 juillet 1882, une mutinerie anti-japonaise de soldats coréens déclenche un véritable coup d’État. Stratégiquement, le Japon envoie immédiatement des troupes à Séoul pour contenir la crise. Néanmoins, les Chinois arrivent avant les Japonais et en plus grand nombre. La Chine transfère alors le gouvernement des Yi à Tientsin – un endroit inatteignable pour les Nippons – en plus d’y intégrer des conseillers chinois à ce dernier. L’Empire du Milieu réaffirme ainsi ses droits de suzeraineté avec ce retour en force. À Tokyo, l’opinion comprend maintenant que la Corée devra d’abord être disputée avec la Chine. La presse japonaise parle de guerre imminente, le gouvernement augmente les dépenses militaires : elles passent de 17,4% du budget total en 1882, à 30% en 1890[22]. Quant à elle, la Russie profite des tensions entre ses deux adversaires pour accroître son influence dans la péninsule. Effectivement, en 1884, le premier traité russo-coréen est signé. Corolairement, les ambassadeurs du tsar parviennent à créer dans les cercles du pouvoir de la dynastie Choson des factions pro-russes qui bénéficient de la sympathie de la reine Min. Cela mène en 1888 à la signature d’un pacte commercial entre les deux nations[23].
L’élimination des Chinois
Par ailleurs, le Tonghak est une religion populaire de Corée qui a été fondée au XIXe siècle par Ch’oe Che-u. Ce mouvement, d’ailleurs anti-occidental, prend rapidement une coloration sociale et appelle ses adhérents à se défaire du gouvernement corrompu. Pour y remédier, les dirigeants du Choson exécutent Ch’oe Che-u en 1864. Pourtant, le Tonghak survit et s’organise avec le temps pour devenir une véritable force. En 1894, ses membres déclenchent une révolte qui défait facilement les troupes gouvernementales. Affolé, Séoul appelle à l’aide. La Chine envoie alors 3000 hommes en Corée et le Japon, 7000. La révolte est étouffée. Néanmoins, la Chine demande un retrait mutuel que les Japonais refusent. Ces derniers exigent des réformes dans le gouvernement coréen, mais les Chinois s’y opposent. La guerre est donc déclarée en juillet 1894 et prend fin le 17 avril 1895 par la victoire japonaise et le traité de Shimonoseki.

Les clauses de l’accord sont si intraitables que rapidement, la Russie, la France et l’Allemagne interviennent pour forcer Tokyo à restituer à Pékin la péninsule du Liaotung, acquise par le traité mentionné. Malgré tout, la Chine est désormais éliminée de la féroce compétition impérialiste en Corée. En effet, suite à leur victoire, les Nippons y imposent une série de réformes radicales à l’aide d’un cabinet politique désormais pro-japonais. Ces réformes visent à transformer la péninsule coréenne en protectorat japonais. La victoire de Tokyo est toutefois estompée par la diplomatie russe. À dire vrai, la reine Min et l’ambassadeur de Saint-Pétersbourg, défiants toute autorité japonaise, tentent de remplacer le nouveau cabinet par des ministres pro-russes. En outre, en février 1896, le roi coréen Kojong décide de fuir ses terres pour se réfugier directement à l’intérieur de la légation russe. La Russie se retrouve dorénavant en opposition sans équivoque avec le Japon pour le contrôle de la Corée.[24].
Le chemin vers la guerre
Dans un premier temps, Tokyo reste paralysé face au triomphe russe. En effet, la Russie, après 1895, obtient des droits importants en Mandchourie : concessions ferroviaires et contrôle de Port-Arthur. De plus, suite à la révolte des Boxers de 1900, Nicolas II s’empare de la majeure partie du territoire mandchou. Le Japon angoisse à l’idée de l’avancée russe : « Depuis 1895, la pensée militaire japonaise repose sur un axiome essentiel : la première ligne de défense de l’archipel, c’est la Corée. Les dirigeants de Meiji ressentent tout danger planant sur la péninsule comme une menace dirigée contre leur propre pays[25]. » Par conséquent, les Japonais tentent de négocier la reconnaissance des droits russes en Mandchourie en échange de la reconnaissance par Saint-Pétersbourg des droits japonais en Corée. Toutefois, ces pourparlers de 1903 échouent. Il ne reste alors qu’une solution envisageable : la guerre. Elle est déclarée le 10 février 1904[26].
Conclusion
À la fin du XIXe siècle, la volonté russe d’expansion ainsi que son sentiment de supériorité envers l’Asie amènent la Russie à se doter d’une forte politique impérialiste. Ceci est bien illustré par la construction du chemin de fer et la nécessité de le rentabiliser. Cet impérialisme entre en conflit avec celui des Japonais au sujet de la Mandchourie, mais surtout de la Corée. En effet, depuis la Restauration de Meiji, la nouvelle économie et la montée du militarisme japonais entraine l’État à adopter une politique extérieure agressive. La guerre sino-japonaise de 1894, en plus d’éliminer la Chine en tant que potentiel leader politique de la péninsule, place le tsar et l’empereur en confrontation directe. Effectivement, le conflit de sphères d’influence culmine en 1904 avec le début de la guerre russo-japonaise qui va marquer irrémédiablement l’histoire.
Adrien Larochelle
Sources :
[1] Nora Wang, L’Asie orientale du milieu du 19e siècle à nos jours, 2e édition, Paris, Armand Collin, 2014, p. 107.
[2] Ibid., p. 104.
[3] Ian Nish, The origin of the russo-japanese war, New York, Longman Group, 1985, p. 253.
[4] René Rémond, Le XIXe siècle, Paris, Éditions du Seuil, 1974, p.208-209.
[5] Ibid., p. 219.
[6] Ibid., p. 221.
[7] Ibid., p. 227.
[8] Rosamund Bartlett, « Japonisme and Japanophobia : The Russo-Japanese War in Russian Culture Consciousness», Russian Review, 67,1 (2008), p. 12-13.
[9] Nish, op. cit., p. 15.
[10] Ibid., p. 17.
[11] Ibid., p. 16-18.
[12] Jean-François Sabouret, Japon, peuple et civilisation, Paris, La Découverte, 2004, p. 136.
[13] Ibid., p. 137.
[14] Isabelle Giraudou, «Takii Kazhuiro. The Meiji Constitution. The Japanese Experience of the West and the Shaping of the Modern State», Ebisu, 42, 42 (2009), p. 146-148.
[15] Kim Byungryull, The History of Imperial Japan’s Seizure of Dokdo, Séoul, Northeast Asian History Foundation, 2008, p. 13-14.
[16] Ibid., p. 20.
[17] Lionel Babicz, « Le Japon de Meiji et la Corée », Ebisu, 4, 4 (1994), p. 81.
[18] Byungryull, op. cit., p. 23.
[19] Wang, op. cit., p. 93-101.
[20] Babicz, loc. cit., p. 80.
[21] Ibid., p. 83.
[22] Ibid., p. 85.
[23] Ibid., p. 89.
[24] Ibid., p. 90-92.
[25] Ibid., p. 95.
[26] Ibid., p. 95-96.
Image de la couverture : Susanoo slaying the Yamata no Orochi, par Toyohara Chikanobu aux alentours de 1870.