Québécois international?

Au tout début du film Le chat dans le sac du réalisateur québécois Gilles Groulx, le personnage principal regarde la caméra et dit : « Je m’appelle Claude, j’ai vingt-trois ans. Je suis un Canadien français, donc je me cherche[1]. » Ce film date de 1964. Déjà à cette époque, une solitude habite le jeune Québécois, car il cherche inlassablement sa voie. À partir des années 1960, un éveil politique entraine les gens vers un projet de société ambitieux : faire du Québec un pays souverain. Aujourd’hui, cette même solitude est présente, mais y a-t-il encore un vrai projet de société offert aux jeunes Québécois?

Avec le contexte de mondialisation, certains évoquent, comme avenues possibles ou nouvelles réponses à l’éveil politique, de partir à la découverte du monde par le voyage, de se fondre dans la diversité culturelle, ou encore de développer une citoyenneté internationale. Toutes ces propositions culminent vers une même pensée, celle qui considère que le monde n’a plus besoin de frontières et que l’avenir réside dans le libre marché et la libre circulation des biens et des personnes.

En adoptant ce point de vue globalisant, on peut s’immiscer sur les trottoirs new-yorkais et se photographier sur l’estrade rouge de Time Square. On peut s’identifier à une vedette défilant sur le tapis rouge des Oscars. On peut Think Big et s’autoproclamer Self-Made Man. On peut parcourir tous les Hilton du monde en 24 heures. On peut Follow a dream, on peut Work hard, on peut enfin être Proud, Very proud. On peut s’improviser de n’importe quelle nationalité.

Bien qu’elle puisse sembler inspirante pour un individu, la globalisation ne me semble pas être une perspective pertinente pour mobiliser un éveil politique, car elle engendre une uniformisation culturelle, fortement influencée par la domination du mode de vie américain. C’est pourquoi la voie d’accès à cette mondialisation nous semble uniquement accessible par la maitrise de la langue anglaise. Du coup, la maitrise de la langue française devient presque secondaire. Une telle illusion, pour le Québec, s’avère catastrophique. C’est comme si la langue française ne suffisait pas à nous donner une voie d’accès, une existence!

Au fond, en voulant devenir international par la seule voie de la langue anglaise, on ne devient qu’un autre touriste, c’est-à-dire un être politiquement invisible, sans participation au débat démocratique du pays. Avec l’anglais, on peut facilement transposer notre mode de vie consumériste partout dans le monde. On peut se donner l’impression d’incarner la multiethnicité, la vie plurielle. En réalité, on ne fait que s’inscrire dans un courant de neutralisation des cultures.

Comme Québécois, entourés de la culture anglophone, plongés dans le monde américain du spectacle et voulant devenir un citoyen du monde, on finit par croire que l’accès à l’international au Québec consisterait à parler un anglais d’aéroport. Or, le français n’est-il pas suffisant pour assurer l’émancipation des Québécoises et des Québécois?

Pour moi qui ai vu le film de Gilles Groulx Le chat dans le sac et qui ai hérité du questionnement du personnage principal de Claude, je poursuis la même quête. Quel est mon avenir s’il n’y a plus d’éveil politique? Faudra-t-il attendre que le français acquière un statut de langue internationale, comme ce fut le cas au 18e siècle, pour véritablement être capables de se définir librement et de le faire en français?

Selon l’Organisation Internationale de la Francophonie, 700 millions de personnes parleront le français en 2050, ce qui représentera 8 % de la population mondiale. L’accroissement démographique de l’Afrique contribuera fortement à ce phénomène. Pour ma génération, l’expansion de la langue française est sans doute une occasion de réaliser que notre culture, elle aussi, peut donner accès à une vie jaillissante, se hissant aisément à un niveau international.

Édouard Mireault

Étudiant en français langue seconde à l’Université Laval

 

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Sources :

[1] ONF, Le chat dans le sac, Gilles Groulx, https://www.onf.ca/film/chat_dans_le_sac/

Image de couverture : Avenue à Montréal dans les années 50-60

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