J’ai passé Noël à Cuba avec mon père dans un centre touristique italien, à 20 minutes de La Havane. Bien que je sois allé dans un tout-inclus, je ne voulais ni me reposer ni faire de la plage. Je voulais m’immerger dans la culture du pays. Avant de voyager, j’aime beaucoup lire tout ce que je peux sur le lieu que je vais visiter. J’aime en apprendre sur son histoire, sa culture, sa mythologie et son architecture. Je télécharge sa musique et je l’écoute avec délectation. Déçu de ne pas avoir appris l’espagnol, j’aurais voulu mieux communiquer avec les gens. Il y a d’ailleurs quelque chose dans leurs manières de chaleureux et de spontané que je recherche beaucoup chez les êtres humains. Je regrette aussi de ne pas avoir pris assez de photos. Néanmoins, à l’aide de photographies glanées dans Internet, je tenterai dans cet article de retracer et de vous partager mon voyage.
20 décembre
Je suis parti le matin avec mon père en taxi vers La Havane. Nous sommes débarqués à proximité de la Plaza de la Catedral. Cette place a été la dernière à avoir été instaurée dans les limites des fortifications de la ville. Nous avons été éblouis par le style baroque et les deux tours asymétriques de la Catedral de San Cristobal de la Habana.

Dès que nous avons mis les pieds sur la place, on s’est fait aborder toutes les cinq secondes. Avec nos airs de touristes occidentaux, les habitants nous voyaient comme de véritables mines à argent. Nous nous faisions demander toute sorte de choses. Quelques-uns nous proposaient des cigares, d’autres nous proposaient d’aller à des « festivals de musique » et d’autres tentaient de nous vendre des casquettes du Che ou des journaux. Nous ne pouvions pas marcher sans nous faire interpeller à chaque pas. Devant les restaurants, les travailleurs couraient après nous pour nous montrer leur menu.
Nous avons finalement opté pour un petit restaurant, au coin d’une rue. J’ai mangé des parilladas, un assortiment de grillades. On nous servait comme accompagnement du riz, des fèves, des bananes plantain et de la goyave en morceaux. Des musiciens jouaient un morceau enlevant.
Nous nous sommes dirigés vers La Plaza de Armas, la place la plus âgée de La Havane. Il s’y trouvait un très beau parc avec au milieu des vendeurs de livres, la plupart sur la révolution. Plusieurs des plus beaux édifices baroques de la ville entouraient la place. Au milieu de la place, on pouvait y voir une statue de Carlos Manuel de Céspèdes, l’homme qui en ayant libéré ses esclaves, a lancé la première guerre d’indépendance, qui dura de 1868 à 1878.

J’ai visité la plus ancienne forteresse de la ville, le Castillo de Real Fuerza, devenu aujourd’hui le Museo Nacional de la Real Fuerza. Dans cette forteresse, construite en 1577 pour protéger la Havane des corsaires, étaient exposés toute sorte d’artefacts rattachés à l’industrie maritime. On pouvait aller sur le toit qui abritait une terrasse pour admirer l’autre côté de la baie et la vieille Havane.
J’ai aussi visité le Museo de la Ciudad, anciennement le Palacio de los Capitanes Generales. C’est là qu’a été signé le traité de Paris de 1898, quand l’Espagne a rendu Cuba aux États-Unis. Le palais a été le siège de la gouvernance américaine, de 1898 jusqu’à l’indépendance de Cuba en 1902, et de la présidence cubaine jusqu’en 1920. Le bâtiment a ensuite servi d’hôtel de ville jusqu’en 1958. Dans la cour intérieure, on peut admirer une statue de Christophe Colomb, sculptée en marbre d’Italie et accompagnée de deux immenses palmiers. Le musée contient un éventail d’artefacts coloniaux. Pendant notre visite, plusieurs gardes dormaient et certains guides nous harcelaient pour nous offrir une visite guidée.

La guide dont nous avons retenu les services a fait preuve d’un enthousiasme dont le caractère excessif semblait à l’échelle de ses soucis pécuniaires. À la fin de sa prestation, la dame nous a demandé une « contribution », puis en guise de remerciements, nous a donné un pain à hamburger sec en cachette.
21 décembre
Nous sommes allés visiter Guanabo, un petit village à côté de notre hôtel. Nous n’avons pas fait grand-chose : nous avons marché, nous sommes allés voir les artisans et nous sommes allés prendre un café dans un endroit qui s’est avéré, sans qu’on s’en soit aperçus à première vue, être un lieu où prostituées et touristes faisaient plus ample connaissance.
Nous y avons rencontré des touristes canadiens qui nous ont invités à aller dans un restaurant de poulet et à y boire une bouteille de rhum. L’un d’eux m’a mis très mal à l’aise lorsqu’il nous a expliqué ses expériences avec ces filles et nous expliquait comment il fallait s’y prendre pour en ramener une à notre hôtel. Je ne comprenais pas comment il pouvait dire tout ça ouvertement à un père et un fils. Mon père ne comprenait pas son accent alors il ne faisait que hocher la tête. L’homme est parti et j’ai tout expliqué à mon père, il a dit ; « oh no ».
Nous avons demandé au serveur du café pour un taxi, celui-ci a demandé à un autre homme dans la rue de nous trouver un taxi. Celui-ci est parti un peu plus loin, et une voiture blanche, la voiture la plus abîmée que j’ai vue de ma vie, est arrivée. Une des vitres de la voiture était cassée, l’intérieur était tout déchiré et s’y dégageait du gaz dont l’odeur faisait suffoquer. N’ayant aucune autre option, nous avons pris le risque d’embarquer. Il avait des liasses d’argent à ciel ouvert dans son coffre à gant. C’était un taxi local improvisé. Ne sachant pas où était notre hôtel, il a demandé à plusieurs personnes qui faisaient du pouce sur le bord de la rue pour le savoir. L’un d’eux est embarqué avec nous et il nous a guidés. Nous sommes finalement arrivés à notre hôtel.
22 décembre
Cette journée-là, nous sommes allés visiter le Museo de la Revolucion, situé dans ce qu’on appelait le Palacio Presidencial, l’ancien palais où ont résidé tous les dirigeants cubains de 1913 à 1957. Son architecture combine l’art nouveau et le style néoclassique. Nous pouvons y retracer toute l’histoire de la révolution à travers plusieurs objets. Nous y voyons par exemple, des documents, des armes, des coupures de journaux, des uniformes tachés de sang après la défaite des rebelles à la caserne de Moncada ou bien le manteau que Fidel Castro a porté lors de son procès. Des cartes témoignent des campagnes menées par les rebelles. Parce que les objets étaient présentés de façon désordonnée, dépourvus de trame narrative, il était difficile de suivre si l’on ne connaissait pas toutes les étapes de la révolution. Toutefois, il n’en restait pas moins impressionnant de voir tous ces objets.

Dans un espace rattaché au musée, nous avons visité le Memorial Granma. À l’intérieur d’un abri vitré, était exposé le bateau Granma, le yacht utilisé en décembre 1956 par Fidel Castro pour aller du Mexique à Cuba avec 81 autres révolutionnaires. D’autres véhicules reliés à la révolution, comme des avions, des jeeps et un tank, pouvaient y être vus.
23 décembre
Cette journée fut assez chargée. Nous sommes tout d’abord allés dans la région de Penar Del Rio, dans l’ouest de Cuba. Nous sommes allés visiter la Francisco Donatién Factory, une ancienne prison transformée en manufacture de cigares dans les années 60. Nous étions séparés des travailleurs par une barrière de bois et nous pouvions voir tout le processus de fabrication.
C’était très plaisant à regarder, du véritable artisanat. Par contre, cela me mettait un peu mal à l’aise d’observer les travailleurs et les travailleuses de si près. Chaque personne est assise à une petite table ; elle a à côté d’elle plusieurs sortes de feuilles de tabac pour rouler le cigare. La première étape consiste à produire la tripe, un tube de tabac à la fois dense et cylindrique. Le travail consiste à rouler cette tripe dans ce qu’on appelle la capote, une demi-feuille qui ceint l’intérieur du cigare. Il faut ensuite étaler ce qu’on appelle la « cape » sur la table de bois et retrancher les bords avec un couteau.
Le tube de tabac sera alors enroulé par la cape et la tête du cigare sera coupée avec précision. Le rouleur va façonner la tête du cigare, il va lustrer la cape, étirer la tripe et couper le pied du cigare avec une petite guillotine.
Les travailleurs et les travailleuses ont un nombre déterminé de cigares à produire pour recevoir leur salaire de base ; une fois le quota atteint, ils peuvent rentrer à la maison. La plupart d’entre eux restent pour toucher un bonus correspondant au nombre de cigares qu’ils font en surplus.
Nous avons acheté quelques cigares, du café et une bouteille de rhum de la région et nous sommes partis pour la vallée de Viñales. Cette vallée, ceinturée de quelques montagnes, est tout simplement magnifique. C’est un des plus beaux paysages que j’ai vus dans ma vie. Elle est reconnue comme un des patrimoines mondiaux de l’UNESCO.

Je suis allé y explorer une caverne, la Cueva del indio. C’était très impressionnant. Nous y avons même fait un petit tour de bateau.
Le midi, j’ai mangé du porc fumé. Des musiciens jouaient.
Après avoir mangé, j’ai visité une ferme de tabac. Le fermier qui tenait la ferme était de quatrième génération. Il nous a expliqué tout le processus de production. Il a roulé un cigare devant nous et nous l’a fait fumer.
La famille du plant que les fermiers utilisent est le criollo. Il est très résistant, ce qui permet qu’on le plante et qu’on l’expose à l’air et au soleil. La plante est constituée de cinq types de feuilles. Ses trois premières feuilles forment ce qu’on appelle la tripe. Du haut jusqu’à sa base, il y a le ligero qui rend au cigare sa force, le seco et le volado qui, quant à eux, lui donnent son arôme et assurent une meilleure combustion. On enroulera ces trois feuilles dans ce qu’on appelle la capote, issue de plants sol ensartado. La dernière feuille et non la moindre, la cape, enveloppera le tout. Les feuilles seront séchées sur des perches dans des hangars qu’on appelle les casas del tabaco et seront fermentées pendant une période de six mois à deux ans.
Nous sommes finalement allés visiter la Mural de la Prehistoria, une œuvre de Leovigildo González. Cette murale à flanc de montagne est très expressive, animée et colorée. Elle débute en représentant l’âge préhistorique des dinosaures et finit en exposant des hommes. À côté, il y avait un petit bar où l’on a bu les meilleurs Piña coladas de Cuba.

24 décembre
Je suis allé au Museo Nacional de Bellas Artes. On pouvait y trouver des œuvres coloniales, modernes et contemporaines. J’ai vraiment apprécié ma journée. Parce qu’il n’y avait pas de description à côté des peintures, on pouvait difficilement se plonger dans le contexte. Nous avons heureusement trouvé une guide qui s’occupait d’un groupe privé et qui a accepté qu’on se joigne au groupe. J’ai beaucoup appris sur les dessous de l’imaginaire collectif cubain. C’était très intéressant de voir que les artistes usaient de plusieurs stratégies pour manifester leur sens critique vis-à-vis du régime tout en étant exposés par un musée qui appartient au gouvernement.
La guide nous a expliqué que le musée jouissait d’une grande d’autonomie par rapport au gouvernement et j’ai appris que les artistes étaient une des rares classes à pouvoir s’enrichir et voyager partout dans le monde. Dans l’art moderne cubain, les symboles de la machette et de l’eau reviennent très souvent pour exprimer un certain sentiment d’aliénation. Voici quelques-unes des œuvres qui m’ont marqué.

Le soir, pour Noël, à mon hôtel, il y avait un souper sur le bord de la piscine où l’on a assisté à un défilé de mode, de la danse et des musiciens. À minuit, nous avons fait un toast au champagne avec les Italiens de l’hôtel.
25 décembre
Le 25 décembre, il n’y avait pas grand-chose d’ouvert. Nous sommes allés dans le quartier Vedado. Nous avons visité des hôtels et bu des cafés. J’ai visité l’hôtel Habana Libre, l’ancien Habana Hilton, ouvert en 1958 durant l’ère de Batista. En 1959, il est devenu le quartier général du gouvernement de Fidel Castro pendant 3 mois. Il a été renommé Habana Libre. J’ai aussi vu l’Université de La Havane, un lieu fascinant. J’ai visité la librairie à côté de l’université. Tous les livres de sciences sociales traitaient uniquement de la révolution, du socialisme en Amérique latine et de l’anti-impérialisme.
J’espère que la lecture de mon voyage vous a plu. Je vous encourage fortement à visiter Cuba, un pays foisonnant de richesses historiques et culturelles.
Jesse Lee Niquette-Buxton
Sources
http://www.monnuage.fr/photos/point-d-interet/75542/346595
http://www.lonelyplanet.com/cuba/havana/sights/museums-galleries/museo-de-la-revolucion
http://www.cave-a-cigares.com/manufacture.php
http://ashpuppypuppyalien.tumblr.com/post/68292501913/latinocaribbeanartists-belkis-ayón-la-cena
http://www.cubania.com/post/cigare-histoire-fabrication/
COLLECTIF, La Havane, Ulysse, Montréal, 2009, 170 pages.