Les récents attentats terroristes perpétrés en plein cœur de la capitale française dans la soirée du 13 novembre dernier étaient d’une ampleur sans précédent; l’onde de choc qui en résulta frappa de plein fouet l’entièreté de la communauté occidentale. Effectivement, les monstrueux évènements ont rapidement fait le tour du globe grâce à une couverture médiatique omniprésente, de sorte que présentement, bien peu de gens ne soient pas au courant de la situation. À dire vrai, depuis les faits, il est impossible de naviguer sur les médias sociaux sans apercevoir un article ou bien un commentaire en lien avec les attaques de Paris. En effet, utilisant l’incroyable tribune qu’est l’internet, chacun peut se permettre de donner son point de vue, qu’il soit avisé ou non, sur le délicat sujet de la montée de la radicalisation islamique et de la menace djihadiste qui en découle. Plutôt que d’admettre l’imposante complexité de ce conflit international centré autour de l’État Islamique et ayant comme principaux acteurs les plus grandes puissances mondiales, plusieurs se bornent à croire le premier article répondant à leur inclination idéologique, sans se poser de questions supplémentaires.
Corollairement, on constate une abondance d’opinions divergentes chez les Québécois. Par exemple, certains pleurent les morts du Bataclan et appellent à la vengeance absolue, alors que d’autres s’indignent du peu d’intérêts que l’on accorde aux drames humanitaires bouleversant d’autres parties de la planète. Bref, au moyen de l’internet, chacun à la possibilité de se prétendre professeur émérite de géopolitique du Moyen-Orient, et cela, en certaines occasions, aux grands dépens d’une conscientisation collective qui aurait bien besoin de s’expliquer que le conflit, par sa profonde insolubilité, la supplante complètement.
C’est ainsi que le débat s’incruste dans le quotidien des Québécois et incite ces derniers à y prendre part, à se positionner à travers le tumulte. Toutefois, le défi est de taille, surtout pour les citoyens qui ne s’intéressent habituellement pas à la politique, mais qui cette fois-ci, s’empoignent de cette crise tant celle-ci suscite la peur, la crainte et la panique au sein de la société. Néanmoins, cela n’empêche globalement pas la population de fortement réagir; le phénomène des pétitions circulant présentement sur internet le démontre concrètement.
En effet, suite aux attentats, approximativement 75 000 citoyens, si l’on se fie au nombre de signataires de la supplique, interpellent le Premier Ministre fédéral Trudeau en lui demandant de revenir sur sa promesse électorale d’accueillir 25 000 réfugiés syriens au Canada, pour de raisons de «sécurité nationale», avant la fin de l’année 2015. S’indignant de cette demande, une contre-pétition visant à dénoncer le caractère «ignoble et xénophobe» de son homologue a elle aussi été publiée, on n’y dénombre pas moins d’environ 55 000 signatures. Le Québec est donc clairement divisé sur cette question polémique qui occupe de plus en plus d’espace sur la scène politique nationale. En effet, quand ce ne se sont pas les partis d’oppositions à l’Assemblée Nationale qui s’en mêlent, c’est le Premier Ministre Couillard lui-même qui ajoute son grain de sel au débat. Sans oublier les maires de grandes villes canadiennes, Québec et Toronto entre autres, qui s’invitent également dans le démêlé. Justin Trudeau n’a pas encore confirmé ses positions suites à la croissance exponentielle du tiraillement, mais il n’en reste pas moins évident que sa décision sera certainement instigatrice d’un plus ample fractionnement de l’opinion publique.
En ce sens, j’appelle les Québécois à s’interroger sur les enjeux essentiels de cette crise des réfugiés. J’invite tous, mais particulièrement ceux ayant signé les pétitions mentionnées plus haut, à considérer les pistes de réflexion suivantes. Sommes-nous en train d’amalgamer l’image des musulmans d’aujourd’hui à celle des juifs d’hier, c’est-à-dire les Bouc-Émissaires de la société? Pourquoi associer le terrorisme aux familles fuyant la guerre civile qui ravage leur pays déchiré depuis plusieurs années? Ne seraient-ils pas les personnes les plus susceptibles de cultiver la haine envers l’État islamique? Notre pays n’est-il pas partiellement façonné par de grandes vagues d’immigrations comme celle des Irlandais dans les années 1840? Ne sommes-nous pas un État de paix promouvant le multiculturalisme ainsi que la liberté de tous? Toutefois, il faut aussi pondérer ces questions avec d’autres, tout aussi apparentes bien qu’elles proposent une approche différente. En ce sens, il faut se demander si : Le Canada est-il en proie à une réelle menace de terrorisme islamiste? Les incidents de Paris pourraient-ils être réitérés dans un petit café ou un théâtre animé de Montréal ou de Québec? Augmentons-nous le risque d’infiltration djihadiste dans le pays en autorisant 25 000 Syriens à s’introduire au Canada? Quels devoirs moraux avons-nous envers ces populations qui semblent si différentes de nous? L’accueil d’un grand nombre d’immigrants pourrait-il nuire à la sauvegarde de notre culture et de notre identité occidentale? Y aurait-il des effets pervers sur l’économie, le travail et les industries de la province?
Selon moi, c’est chacune de ces questions, et bien d’autres, qui devraient être fougueusement débattues sur l’espace public de la province (ce qui englobe évidemment les réseaux sociaux). Le citoyen démocratique exemplaire ne poursuit pas ses passions, il s’efforce d’être assidûment attentif à l’actualité pour émettre des jugements logiques et intelligibles. Ainsi, il ne faut pas se ranger derrière les positions radicales adoptées par l’une ou l’autre des pétitions, mais bien prendre le temps de discuter pour tenter de renouer avec un dialogue sain, critère fondamentalement indispensable au bon fonctionnement de nos démocraties occidentales. Sans le moindre doute, c’est dans l’adversité que l’on grandit.
Adrien Larochelle
Pétition pour l’arrivée des Syriens https://secure.avaaz.org/fr/petition/OUI_aux_refugies_Syriens_au_Canada_larrivee_des_25_000_refugies_syriens_en_sol_canadien/?pv=7
Pétition contre l’arrivée des Syriens
http://www.petitions24.net/non_a_limmigration_des_25000_refugies